" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


jeudi 25 juillet 2013

Bergson : la Vie insaisissable par la Science


A plusieurs reprises, au cours de notre étude sur le Père Teilhard du Chardin, nous avons rencontré Bergson et son ouvrage l’Évolution créatrice. Nous avons alors décidé de nous aventurer dans sa philosophie et plus précisément dans la lecture de son œuvre. Nous avons découvert une conception évolutionniste du Monde très proche de celle de Teilhard en dépit de quelques divergences. Bergson soulève aussi des questions qui remettent en cause sérieusement la prétention de certains scientifiques de vouloir tout expliquer par la Science. Il expose le problème de fond de toute science qu’est celui de la théorie de connaissance. 




Une science incapable de saisir la réalité

Selon Bergson, la Science est par nature incapable de donner « les clés de la vie » car elle ne peut connaître et manipulée que la matière inerte. En effet, l’intelligence est plus apte à porter sa réflexion sur des corps sensibles, géométriques, mesurables que sur des corps vivants. La matière vivante lui est inaccessible. 

Nous pensons la vie selon un cadre impropre, « trop étroit, trop rigide ». Nous y appliquons des principes inadaptés et des raisonnements plus propres à la matière brute. C’est pourquoi nous trouvons « que sa manière d’opérer est précisément celle à laquelle nous n’aurions jamais pensé ». Nous faisons appliquer sur la matière vivante les formes habituelles de notre pensée.

Or certaines sciences étudient la matière vivante avec la même démarche qu’elles utilisent sur la matière inerte. Elles confondent matière inerte et matière vivante, système artificiel et réalité. 

La notion de temps et de durée


La notion du temps manifeste bien les limites de la Science. Bergson différencie deux temps différents : le temps de la science et le temps psychologique. Le temps de la science n’est qu’une succession d’instants. Il est généralement représenté sous la forme d’une droite, ponctuée de points, d’instants t, distants entre eux d’un intervalle identique. Le temps scientifique est donc en quelque sorte marqué dans l’espace. La science ne s’intéresse guère à l’intervalle. Elle ne s’intéresse qu’aux états à l’instant t. Le temps psychologique correspond à notre perception du temps, c’est-à-dire à la durée. « Notre durée n’est pas un instant qui remplace un autre ». Elle est « le progrès continu du passé qui ronge l’avenir et qui gonfle en avançant ». Le temps psychologique est bien concret et s’inscrit dans notre durée. 


Se créer indéfiniment soi-même

Bergson étend cette distinction à nos états psychologiques. Nous les percevons comme des états successifs quand en fait ils sont continus. Or l’un ne remplace pas un autre. Notre conscience distingue les états et les sépare de manière artificielle avant de les recoller de manière toute aussi artificielle. « L’attention juxtapose un état à un état, là où il y a continuité qui se déroule ». Nous pensons dans la discontinuité ; or la vie est dans la continuité.

Le recollement de nos états est possible par la mémoire qui conserve le passé en vue « d’éclairer la situation présente, d’aider l’action qui se prépare, de donner enfin un travail utile ». Le passé reste ainsi présent en nous pour répondre à nos besoins. C’est pourquoi nous ne sommes jamais ce que nous avons été. Tout état est différent de l’état qui le précède ou le succède. Notre personnalité change sans cesse irréversiblement. Nous nous formons donc avec le temps dans la durée. Le passé est agissant de manière irréversible et se prolonge dans le présent. Ainsi exister revient à changer continuellement, à « se mûrir, à se créer indéfiniment soi-même ». Cette création ne répond pas à un schéma tout fait mais dépend de la personne qui agit à un moment précis selon un éventail de choix possibles

Différences entre objet inerte et être vivant

Un objet inerte ne change pas avec le temps, il n’a pas d’histoire. Le temps n’a pas d’emprise sur lui. Tout est donc prévisible. Les objets présentent en effet les mêmes caractéristiques et sont soumis aux mêmes lois physiques et chimiques. Ils peuvent donc être isolés par la Science et par notre perception contrairement au corps vivant qui est « isolé et clos par la nature ».

L’objet inerte est relié naturellement à l’Univers dans lequel il est inséré. Il n’est isolable que de manière artificielle. Or un être vivant est isolable et clos naturellement. Il s’individualise. L’objet inerte et l’être vivant ne peuvent donc être comparables. Si nous devions les comparer, nous devrions alors assimiler l’organisme vivant à la totalité de l’Univers. Or si l’être vivant est observable, l’Univers ne l’est pas.

L’individualité est « une propriété caractéristique de la vie ». Le vivant « se compose de parties hétérogènes qui se complètent les unes les autres. Il accomplit des fonctions diverses qui s’impliquent les unes aux autres. C’est un individu, et d’aucun autre objet, pas même du cristal, on ne peut en dire autant, puisqu’un cristal n’a ni hétérogénéité de parties ni diversité de fonctions ». Chaque être vivant affirme ainsi son indépendance dans l’acte même par lequel elle se constitue. Cette individualité « est toujours en voie de réalisation puisqu’elle se réalise dans le temps, un temps qui dure». 

Entre spéculation et réalité

Revenons à la notion du temps. Le temps scientifique ressemble plus à un sablier ou à une ligne ponctuée de points se succédant à intervalle régulier, à une succession de grains, observables, exprimables. Par des équations où le temps intervient, les sciences peuvent expliquer un état à partir d’états précédents. « Certains aspects du présent, importants pour la science, sont calculables en fonction du passé immédiat. Rien de semblable de la vie ». L’être vivant ne dépend pas du passé immédiat mais de son histoire.



Ainsi elles commettent l’erreur de soumettre le corps vivant au même traitement que les objets inertes. Nous confondons temps abstrait et temps réel, système artificiel et système naturel, . Le système réel se développe le long d’un temps concret et s’insère dans une histoire. Le système artificiel est celui de nos spéculations dans lequel seul le temps abstrait intervient, et non l’histoire.



Dans la vie réelle, existe-il des instants immédiatement antérieurs à un autre ? Dans les équations, « l’instant « immédiatement antérieur » est, en réalité, celui qui est relié à l’instant présent par [un] intervalle ». Ce n’est encore que du présent. « Les systèmes sur lesquels la science opère sont dans un présent instantané qui se renouvelle sans cesse, jamais dans la durée réelle, concrète, où le passé fait corps avec le présent ». Finalement, la durée n’est pas prise en compte par la Science. Ce qui compte pour la Science, ce n’est pas l’intervalle entre deux instants mais ses extrémités. « Ce qui coule dans l’intervalle, c’est-à-dire le temps réel, ne compte pas et ne peut pas entrer dans le calcul ». Dans les équations, elle considère plutôt des vitesses, des accélérations, c’est-à-dire des nombres qui notent des tendances et qui permettent de connaître l’état du système à un moment donné. « C’est toujours d’un moment donné, je veux dire arrêté, qu’il est question, et non pas du temps qui coule ». 

Ainsi la Science ne considère que les choses qui se répètent. « Elle ne peut opérer que sur ce qui est censé se répéter, c’est-à-dire sur ce qui est soustrait, par hypothèse, à l’action de la durée. Ce qu’il y a d’irréductible et d’irréversible dans les moments successifs d’une histoire lui échappe ». Elle isole son objet pour le soustraire au temps, ou plutôt à l’action de la durée. 

La Science découpe le réel en parties, qu'elle étudie ensuite de manière séparée, isolée avant de les relier de manière toute aussi artificielle. Mais pouvons-nous croire qu’en multipliant les photographies d’un objet, sous mille aspects divers, nous en reproduisons la matérialité ?

Bergson conclut donc à l’impossibilité de la Science de nous donner « les clés de la vie ». Elle travaille sur la simultanéité quand la Vie se fonde sur la continuité. Nous ne pouvons « assimiler l’être vivant, système clos par la nature, aux systèmes que notre science isole ». Il souligne que la durée est une partie intégrante de la Vie que la Science ignore. « Plus la durée marque l’être vivante de son empreinte, plus évidemment l’organisme se distingue d’un mécanisme pur et simple, sur lequel la durée glisse sans le pénétrer ». 

Conclusion

La conception que nous avons du Monde dépend certes de notre expérience mais aussi fortement de notre manière de penser et de construire notre connaissance. Elle sous-entend une philosophie. Évaluer une conception de l’Univers revient ainsi le plus souvent à évaluer une théorie de la connaissance. 

Bergson présente certaines limites de la Science inhérentes aux faiblesses humaines. Pouvons-nous les étendre à toute la connaissance ? Non. Car l’homme est capable d'atteindre la Vérité et de l’exprimer de manière sûre. Ses critiques envers la Science (ou plutôt le positivisme et le scientisme) nous paraissent néanmoins pertinentes. Ce n’est pas l’Intelligence la responsable de leurs erreurs mais leur démarche intellectuelle et la philosophie qui en est le fondement …


Enfin, la question du temps et de durée est probablement source d’incompréhensions et d’erreurs. Elle est au centre de nombreuses théories perverses, telles que la théorie des genres. Bergson rappelle que nous sommes définis par notre histoire mais jusqu’à quel point ? Négliger ou surestimer le rôle de l’Histoire revient à ne pas saisir la réalité. L’Histoire du salut est au cœur de notre foi. Dieu est intervenu dans l’Histoire comme Il intervient dans notre propre histoire. Elle commence par la Création et se poursuit par la Providence. L’évolutionnisme de Bergson prétend qu’elle-seule prend en compte cette propriété caractéristique de la vie, mais c’est justement à cause de cette méconnaissance de l’Histoire que nous rejetons la conception évolutionniste…

lundi 15 juillet 2013

[Synthèse] Les pensées de Teilhard, une glose étrangère au christianisme



Après plusieurs mois d’étude sur la pensée de Teilhard, il est temps d’en faire une synthèse. Est-il encore opportun de la poursuivre tant l’évidence nous frappe? Nous pourrions encore continuer à nous étendre sur ses intuitions, ses hypothèses, ses propositions mais tout cela nous semble vain. Est-il même possible de réfuter toutes ses idées disséminées dans ses nombreux essais ? Nous pensons avoir atteint le but de notre voyage. Nous sommes en effet convaincus que ses idées sont contraires à la foi et à l’enseignement de l’Église. Dans ses écrits, nous avons aussi rencontré une certaine désinvolture et malhonnêteté. De nombreuses contre-vérités nous affligent. Son lyrisme et sa réputation scientifique ne nous font pas oublier ses fautes et ses erreurs. Il est donc temps de synthétiser notre travail …

De l’audace et de la conviction à tout prix ?

Les premiers reproches s’adressent à la forme de ses discours : usage nombreux de néologismes, goût immodéré de mots nouveaux, emploi hasardeux de termes riches en sens... Tout cet attirail manque de clarté et de rigueur, gène notre compréhension et peut tendre à des confusions regrettables. Que d’équivoques dans ses propos ! Tout cela est source d’erreurs et de malentendus sur des sujets qui méritent cependant de la précision et de la clarté. 

Teilhard réussit à rendre accessibles des idées complexes et audacieuses. Il nous fait comprendre sa pensée tout en nous impressionnant. Son style particulier, voire unique, est probablement un atout pour persuader et convaincre. Ses ouvrages sont aussi empreints de fraîcheurs, d’audaces et d’envolées poétiques qui nous font oublier la tristesse et l’âpreté de la plupart des livres théologiques. Ils nous font aussi oublier la gravité des sujets traités. Il sait finalement transmettre ses convictions en dépit d’un discours abscons.

Et du mépris…

En dépit de sa joie expansive, nous retenons surtout de nos lectures une impression très désagréable et insupportable. Car derrière ses envolées lyriques, nous sentons un certain mépris à l’égard de ceux qui ne partagent pas ses convictions. Les mots sont durs contre les opposants de l’évolutionnisme et les fidèles de l’enseignement traditionnel de l’Église. Il les présente comme les adversaires du « progrès », enchaînés dans un catholicisme dépassé. Il est regrettable qu’un homme d’Église ait autant de verbes méprisants et arrogants contre son prochain, même contre ceux qui seraient dans l’erreur. Les techniques qu’il utilise pour dénigrer l’enseignement de l’Église sont en outre subtiles et efficaces mais reflètent une certaine malhonnêteté…

Un discours sans fondement sérieux

Son argumentation nous étonne par sa faiblesse. Certes il peut parfois s’épancher sur des découvertes scientifiques, des faits d’observation ou encore sur des faits « universellement » connus mais son discours n’est le plus souvent qu’une suite d’affirmations sans preuves, dénuées de toute rigueur scientifique. Peu de faits ou d’exemples précis, surtout dans le domaine religieux. Il dessine le portrait du chrétien moyen mais quel portrait dresse-t-il ?! Ce n’est que des stéréotypes, des caricatures, des clichés ! Il prétend être fidèle à la Parole de Dieu mais ce n’est parfois qu’une évocation imprécise, fugace de la Sainte Écriture. Il se justifie en évoquant un enseignement qu’il juge erroné sans cependant le dévoiler. Et que d’implicites dans ses phrases, que d’informations entre les lignes, que d’intentions dans les images qu’il dessine ! On pourrait nous dire qu’il n’avait pas le choix, compte tenu de la censure et de l’opposition ecclésiastique qu’il connaissait. Sa stratégie est peut-être compréhensible mais nullement louable !

Teilhard s’attaque à l’enseignement de l’Église sans apporter de véritables arguments solides. Ce n’est que des hypothèses bâties sur des intuitions, des caricatures et sur une expérience humaine. Son discours ne présente guère de rigueur intellectuelle compatible à la gravité et à l’importance du sujet traité

Ce manque de rigueur nous étonne. Nous pouvions aussi espérer rencontrer plus d’humilité et de prudence dans ses ouvrages. Nous avons plutôt découvert un esprit sûr de lui, sûr de sa science. Sa foi en la science est en outre impressionnante. Se pose-t-il des questions sur l’évolutionnisme qu’il nous impose sans aucune condition ? Sa participation à l’affaire de Piltdown, fortement critiquée, ne peut plus nous surprendre[1]. Aujourd’hui, nous pouvons sourire de ses prétentions…

Comment pouvons-nous finalement adhérer à un tel discours ? D’un style déconcertant et lyrique, il est finalement sans fondement sérieux. Il s’appuie davantage sur le mépris et l’arrogance, sur une foi incompatible avec la nôtre…

Des idées dangereuses qui ne peuvent qu’affaiblir l’Église et la séparer du monde scientifique

Comment en effet pouvons-nous adhérer à ses idées ? Elles nous paraissent imprudentes et dangereuses. Que veulent-elles en effet ? Que l’Église prenne enfin en compte l’évolutionnisme et y adapte son enseignement car, affirment-elles, l'évolutionnisme est un fait acquis ! Convertir l'Eglise ? Mais comment pouvons-nous dire, et surtout à l’époque où Teilhard écrit ses ouvrages, que l’évolutionnisme est un fait acquis ? Et même si une théorie scientifique semble indiscutable, l’histoire nous montre bien combien elle reste éphémère. Elle est vraie jusqu’au jour où une autre la remplacera ou viendra mieux cerner ses limites. Devons-nous alors fonder l’enseignement de l’Église sur une théorie par essence instable ? Ne risquons-nous pas de reproduire l’erreur qu’ont commise des ecclésiastiques en défendant le modèle obsolète de Ptolémée ? Teilhard veut rapprocher l’Église de la Science en adaptant son enseignement à l’évolutionnisme mais sa tactique ne peut conduit qu'à un échec et à des conflits. 

Comment pouvons-nous rapprocher les scientifiques de l’Église quand les scientifiques se disputent âprement sur les idées qu’il propose ? Des évolutionnistes éminents s’opposent à ses intuitions qu’ils jugent contraires à l’idée même de l’évolution. Il risque ainsi d’engager l’Église dans un débat qui oppose plusieurs tendances au sein de l’évolutionnisme. Le chrétien doit-il être finaliste, vitaliste, spiritualiste ou matérialiste ? Doit-il plutôt tendre vers un évolutionnisme progressif ou brutal ? Teilhard, veut-il vraiment engager l’Église dans ce conflit où s’affrontent de nombreuses théories ? L’Église ne pourra trouver que confusion et division. 

Que d’erreurs également dans ses interprétations ! En érigeant la complexification comme loi scientifique, il confond causes et conséquences. Il généralise au Monde un constat particulier. Il prétend aussi saisir la totalité du Monde comme s’il pouvait s’extraire du Tout. Il va même à l’encontre de l’évolutionnisme et de la philosophie de Bergson. Il radicalise des idées déjà contestables …

Une doctrine contraire à la foi chrétienne dans sa finalité et ses fondements

Nous avons déjà montré combien l’évolutionnisme ne peut être considéré comme un fait acquis. Une théorie évolutionniste est applicable dans un cadre particulier au niveau local et peut expliquer un microcosme spécifique, mais elle est insuffisante pour expliquer la vie. Quelle théorie en est capable ? L’évolutionnisme n’est qu’une idéologie et par conséquent une imposture. Or que veut Teilhard ? Faire entrer cette idéologie dans l’Église… Il cherche à adapter l’enseignement de l’Église à une certaine philosophie évolutionniste, la philosophie de Bergson adaptée par ses soins. 

Selon son propre témoignage, nous constatons que sa foi chrétienne repose sur des motifs purement naturels, sur « une foi psychologique », sur une certaine conception de l’Univers. Tout doit être dérivé de cette croyance. Est-ce cela la foi chrétienne ?



Nous pouvons énumérer ses erreurs : refus du péché originel tel qu’il est enseigné par l’Église, confusion entre ordre naturel et ordre surnaturel, valorisation excessive des actions humaines, … Nous en avons décrit quelques-unes. Nous laissons à des hommes plus compétents que nous le soin de les dénoncer et de les réfuter pleinement, par exemple la confusion entre les deux ordres naturel et surnaturel ou sur sa conception du Corps mystique du Christ…


Un autre regard que celui de l'Eglise

La doctrine de Teilhard s’oppose à l’enseignement traditionnel de l’Église et à la Révélation telle qu’elle a toujours été interprétée et comprise par l’Église. Teilhard se défend pourtant de toute infidélité : il ne fait que présenter, dit-il, une nouvelle lecture de la Parole de Dieu tout en lui demeurant fidèle. Mais justement, être fidèle, n’est-ce pas avant tout de garder la même lecture, un même regard ? Orienter notre esprit et les yeux de notre âme dans la direction que Dieu nous a indiquée ? Voir le Monde et la Vie tels que Dieu nous demande de les regarder et non comme nous voulons les voir ?...

Or Teilhard nous demande de changer radicalement de direction : la Rédemption qui a toujours été au cœur de l’enseignement de l’Église doit désormais être secondaire. Car elle est fondée sur le péché originel, chose que Teilhard ne peut en effet accepter tant ce dogme est contraire à l’idée même de l’évolutionnisme. Il est en effet conscient que nous ne pouvons y adhérer sans rejeter ce dogme. Nous y insistons fortement car là est le point d’achoppement :

l’idée du péché originel est fondamentalement incompatible avec celle de l’évolutionnisme. 

Teilhard demande en effet à l’Église de centrer désormais sa doctrine sur le Christ cosmique, sur le Point Omega. Mais quel est ce Christ qui nous propose ? Est-ce celui de l’Histoire ou de ses pensées ? Est-ce Notre Seigneur Jésus-Christ en chair et en sang, le Verbe Incarné, ou plutôt une abstraction, une pensée, sans matière, sans forme ? Que devient par exemple la Résurrection de la chair dans sa doctrine ? 

Une conception de l'Homme idéalisée

A la lumière de l’évolutionnisme, Teilhard traite longuement du rôle de l’homme dans la Création et du développement du Corps mystique du Christ. Il se révèle aussi comme un mystique de l’action. Par ses efforts et sa volonté, l’homme contribue à orienter l’évolution vers le progrès et vers le Point Omega. Confiant en l’homme, il voit dans la socialisation et la collectivisation le signe de son avancée. Mais sa confiance nous paraît aujourd’hui naïve et dépassée. Même le cyberespace correspond mal à ses prophéties de conscience de l’humanité, pourtant tant soulignée actuellement par certains disciples de Teilhard. Au contraire, s’il a pris conscience des progrès de la communication et de leurs conséquences dans la socialisation, il n’a pas vu l’importance du monde virtuel, d’un monde où les problèmes liés à la connaissance ont changé de nature, d’un monde qui fait changer la manière de penser, un monde enfin où l’immédiateté a remplacé la durée. En dépit de ses intuitions, il n’a pas vu la révolution qui nous touche aujourd’hui…

Revenons à la notion de grâce. Teilhard semble attribuer à l’homme un rôle primordial dans sa sanctification au point de reléguer la grâce à un rôle d’assistance. Pouvons-nous l’accuser de pélagianisme ? Peut-être. Le manque de clarté et de précision dans son discours conduit peut-être à le penser...

Une christologie déséquilibrée

Le Christ est Omega mais il est aussi Alpha. Il est Alpha et Omega. Or Teilhard traite peu du Christ en tant qu’Alpha. Il se concentre sur l’Omega. Ne fait-il pas ce qu’il reproche à l’Église : biaiser la vérité en insistant trop sur un des points de son enseignement ? Car le Christ ne peut être Omega s’il n’est d’abord Alpha. Or parler du Christ comme Alpha revient à parler de la Grâce, des mérites de Notre Seigneur et donc de la Rédemption. En outre, comment peut-il parler d’un Point Alpha quand l’évolutionnisme ne porte son regard que vers le devenir, c’est-à-dire vers le Point Omega ? Un évolutionniste ne peut songer à la source, à l’origine, il ne pense qu’au lendemain, au devenir…

Un Univers qui exclut le surnaturel

Enfin, que devient le surnaturel dans sa vision de l’Univers ? Par son action, l’homme contribue à sa sanctification et à celle du Monde. La Matière et l’Esprit évoluent selon une « loi scientifique ». L’Esprit dérive de la matière. Le mal n’est vu que sous un aspect physique, etc. Le surnaturel existe-il encore ou disparaît-il derrière le naturel [2] ?

Conclusion
Une étude attentive des œuvres de Teilhard nous dévoile donc des erreurs manifestes, contraires à l’enseignement de l’Église. Certaines de ses idées présentent de véritables dangers. Elles proviennent probablement d’une confiance abusive en la Science et au Monde, ou plutôt à une certaine science, à une certaine conception du Monde, finalement à une certaine philosophie. Il nous le dit lui-même. La foi qu’il professe d’abord est une foi au Monde et en la Science, et non une foi en Dieu. Comment pouvons-nous alors adhérer à une telle pensée si contraire au christianisme ? 

Teilhard couvre sa pensée sous la voile de la science quand elle est surtout philosophique et religieuse. Nous pensons que sa véritable intention n’est pas de renouer les relations entre le Christianisme et la Science, mais d’intégrer une philosophie évolutionniste dans l’Église… 

En conclusion, la doctrine de Teilhard est étrangère au christianisme. Nous ne pouvons que la rejeter et la dénoncer. « N’est-ce pas plutôt une nouvelle forme de gnose, l’une de ses multiples tentatives toujours vaines de rationaliser le contenu de la foi […] ?» [2].






[1] Voir Émeraude, novembre 2012, article « La scandaleuse affaire de l’homme de Piltdown ». 
[2] Voir Dom Georges Frenaud, moine de Solesmes, Pensée philosophique et religieuse du Père Teilhard de Chardin, collection Octobre. Cette article récapitule les pensées philosophiques et religieuses de Teilhard et en montre toute leur dangerosité, http://teilhard.org/panier/1_fichiers/Pere(Don).G.Frenaud.et.le.Monitum.pdf. 

vendredi 12 juillet 2013

Ce que Teilhard croit ...



Une des meilleures formes d’apostolat est peut-être le témoignage de sa propre conversion. Teilhard a aussi laissé le sien dans l’un de ses ouvrages, intitulé Comment je crois. Son témoignage est assez particulier. Il nous explique en effet comment sa foi chrétienne est légitime, non pas au regard de la foi en elle-même mais de ses convictions, et cela par sa seule expérience personnelle. Certains partisans voient dans son ouvrage une nouvelle forme d’apologétique efficace à notre époque. Mais est-ce vraiment encore de l’apologétique ? 




« Croire c’est opérer une synthèse intellectuelle ». 



Teilhard présente sa foi comme la synthèse de deux courants en apparence contradictoires : « l'originalité de ma croyance est qu'elle a ses racines dans deux domaines de vie habituellement considérés comme antagonistes. Par éducation et par formation intellectuelle, j'appartiens aux "enfants du Ciel". Mais par tempérament et par études professionnelles, je suis "un enfant de la Terre". Placé ainsi par la vie au cœur de deux mondes dont je connais, par une expérience familière, la théorie, la langue, les sentiments, je n'ai dressé aucune cloison intérieure. Mais j'ai laissé réagir en pleine liberté l'une sur l'autre, au fond de moi-même, deux influences apparemment contraires. Or, au terme de cette opération, après trente ans consacrés à la poursuite de l'unité intérieure, j'ai l'impression qu'une synthèse s'est opérée naturellement entre les deux courants qui me sollicitent ». Sa croyance se fonde sur deux pôles : Dieu et le Monde. Mais pouvons-nous aimer deux maîtres à la fois ? Teilhard ne fait pas exception à cette règle : il a choisi. « Aujourd'hui je crois probablement mieux que jamais en Dieu, - et certainement plus que jamais au Monde ».

La religion de Teilhard est donc le résultat d’une opération intellectuelle entre son expérience personnelle et sa formation. C’est bien l’intelligence qui opère cette synthèse. Mais est-elle légitime ? Qui en garantit sa véracité ? La foi psychologique, nous répond Teilhard…

La foi psychologique, fondement de la foi chrétienne de Teilhard

Qu’est-ce que la foi psychologique ? « J'entends par « foi » toute adhésion de notre intelligence à une perspective générale de l'Univers. On peut chercher à définir cette adhésion par certains aspects de liberté ("option") ou d'affectivité ("attrait") qui l'accompagnent. Ces traits me paraissent dérivés ou secondaires. La note essentielle de l'acte de foi psychologique, c'est à mon avis de percevoir comme possible, et d'accepter comme plus probable, une conclusion qui, par l'ampleur spatiale ou par éloignement temporel, déborde toutes prémisses analytiques ». Que faut-il comprendre ? Que cette foi dépasse toute opération intellectuelle par ses conclusions ? Qu’elle est issue de l’intuition ? Ce qui nous paraît compréhensif est que cette foi essentielle est toute naturelle, probablement intuitive et non intellectuelle [1]. 


Une foi dérivée de l’évolutionnisme

Teilhard applique une loi à toute croyance : « toute foi naît d’une foi ». Par conséquent, la foi chrétienne est le résultat d’une évolution. Il étudie alors cette évolution pour prouver sa foi. « […] Pour me démontrer à moi-même ma foi chrétienne, je ne saurais avoir (et je n'ai en fait jamais trouvé) d'autre méthode que de vérifier en moi la légitimité d'une évolution psychologique ». Cherche-t-il des motifs de crédibilité dans sa seule expérience personnelle selon un sens évolutionniste ? Ou cherche-t-il à prouver que sa foi est vraiment personnelle ? Dans les deux cas, il ne cherche des raisons de croire qu’en lui. Il parcourt une certaine « lignée » pour retrouver sa foi initiale, explorant ainsi le « phylum de ses actes de foi successifs ». 

Évolution ou conversion ?

Revenons sur le terme d’évolution. Car son emploi est terriblement source de malentendus. « Évolution » provient du terme latin « evolutio » de « voluere » qui signifie « dérouler ». L’évolution est l’acte de dérouler. Une chose évolue signifie qu’elle apparaît progressivement, de manière continue dans le temps. Deux termes sont à retenir : « changement » et « continuité ». Or, parfois, nous parlons d’évolution sans savoir s’il y a effectivement continuité et progression. Dans un sens scientifique, il signifie que la cause de ce cheminement est uniquement naturelle. 

L’adhésion à la foi ou de manière plus générale la foi, est-elle issue d’un cheminement naturel et même d’un changement continu ? Pouvons-nous dire que la foi de Saint Paul est issue d’un tel processus ? Il y a effectivement des actes de foi successifs au fur et à mesure de la compréhension de la foi et de son contenu. Le premier acte peut être soudain, sans raison naturelle. La foi peut introduire un bouleversement qui, s’il parvient jusqu’à son terme, conduit jusqu’à l’autel. Le converti a été docile à la grâce qui l'a touché. Je crois pour comprendre, et non l’inverse. Les motifs de crédibilité accompagnent ou préviennent ce changement mais n’en sont pas la cause. 

L’évolution de la foi selon Teilhard

Revenons à Teilhard. L’évolution de la foi est guidée ou plutôt dirigée par un principe ou une tendance fondamentale [2] : « si par suite de quelque renversement intérieur, je venais à perdre successivement ma foi au Christ, ma foi en un Dieu personnel, ma foi en l'Esprit, il me semble que je continuerais invinciblement à croire au Monde. Le Monde (la valeur, l'infaillibilité et la bonté du Monde), telle est en dernière analyse la première, la dernière et la seule chose en laquelle je crois. C'est par cette loi que je vis. Et c'est à cette foi, je le sens que, au moment de mourir, par-dessus tous les doutes, je m'abandonnerai ». Il n’a effectivement qu’un seul maître. Il n’y a donc pas synthèse entre la foi en Dieu et la foi au Monde. C’est plutôt une accommodation de la foi en Dieu à la foi au Monde.Or nous sommes convaincus : la foi modifie notre représentation du monde. Et non l’inverse...

La foi au Monde, principe premier 






Quelle est cette foi au Monde ? «"Tout tient à tout". Sous cette expression élémentaire, la foi au Monde ne diffère pas sensiblement de l'acquiescement à une vérité scientifique ». Elle est la foi en la science ou plutôt en une certaine conception du Monde, en une certaine Unité du Monde. Cette conception prime sur toute autre considération. Il s’appuie aussi sur une certaine pensée dominante. « Pour tout homme qui pense, l'Univers forme un système interminablement lié dans le temps et dans l'espace. De l'avis commun, il forme un bloc ». Sa foi repose sur l’opinion : « personne ne doute », « de l’avis commun », « pour tout homme qui pense », etc. Ainsi « à la foi confuse en un Monde Un et Infaillible je m'abandonne, - où qu'elle me conduise ». C’est bien son principe de pensée et d’action, sa « foi initiale », non au sens de commencement mais de fondement. La foi au Monde garantie sa foi chrétienne…



Le credo de Teilhard

A partir de cette croyance initiale, Teilhard élabore des articles de foi. Voici le premier : « l'unité du Monde est de nature dynamique ou évolutive ». L’évolutionnisme s’impose à lui comme vérité indiscutable. Quelle gageure ! Il revient à sa foi en l’évolutionnisme quand nous voyons le principe de son jugement reposer avant tout sur l’évolutionnisme ! Et quelle combinaison de termes étranges ? L’unité est généralement attribuée à un élément en soi, sans notion de mouvement ou de durée. Nous pouvons dire qu’un objet est un dans le temps ou dans l’espace, mais alors il n’y a pas d’évolution. Or dans la philosophie bergsonienne, à laquelle il adhère, le mouvement est considéré comme un objet en soi.

Son deuxième article de foi est sa loi de complexité-conscience. Le Monde se dirige vers plus de spiritualité, vers plus d’Esprit. De quel Esprit parlons-nous ? « L'Esprit dont il s'agit ici a une nature particulière bien déterminée, Il ne représente en rien quelque entité indépendante ou antagoniste par rapport à la Matière ». Nous revenons à son principe de complémentarité de l’Esprit et la Matière. Il refuse toute séparation. L’Esprit dérive même de la Matière comme produit de l’évolution. « Par Esprit j'entends « l'Esprit de synthèse et de sublimation » en qui, laborieusement, parmi des essais et des échecs sans fin, se concentre la puissance d'unité diffuse dans le Multiple universel : l'Esprit naissant au sein et en fonction de la Matière ». 

La foi en l’Esprit nous impose la croyance au progrès et nous oblige à y contribuer. Elle oriente la morale vers l’action. Une action a de la valeur si elle applique « notre volonté à la réalisation d'un progrès » selon la direction de l’Évolution. « Pour se diriger à travers les brumes de la vie, l'Homme possède une règle biologique et morale absolument sûre, qui est de se diriger constamment lui-même « vers la plus grande conscience ». Ce faisant, il est certain de marcher de concert, et d'arriver au port, avec l'Univers ». Ce progrès est irréversible, ce qu’il entend par « immortalité de l’Esprit ».

Le Monde nous donne en outre les moyens de contribuer à ce progrès. « Si le Monde, pris dans sa totalité, est quelque chose d'infaillible […]; et si, par ailleurs, il se meut vers l'Esprit […]; alors il doit être capable de nous fournir ce qui est essentiellement requis pour la continuation d'un pareil mouvement : je veux dire un horizon sans limites en avant. Sans quoi, impuissant à alimenter les progrès qu'il suscite, il se trouverait dans l'inadmissible situation d'avoir à s'évanouir dans le dégoût chaque fois que la conscience née en lui parviendrait à l'âge de raison ». Le Monde est-il doué d’un Esprit, d’une conscience pour répondre à cette obligation morale ? Le terme de « dégoût » nous fait réagir. Nous pouvons l’entendre de deux façons. Soit il attribue au Monde une conscience, une personnalité. Soit il y a confusion. Ce n’est pas en effet le Monde qui s’évanouit en dégoût mais la foi en ce Monde. Les deux options sont sans-doute à retenir. 

S’il y a spiritualisation, il y a personnalisation, c’est ce qui appelle « foi en la personnalité ». « La conviction que je veux essayer de défendre ici, est […] que, s'il y a irréversiblement de la Vie en avant de nous, ce Vivant doit culminer en un Personnel où nous nous trouvions nous-mêmes « sur-personnalisés » ». Contrairement à la philosophie de Bergson, il donne à l’évolution une finalité. Le but ultime est en fait l’homme, non l’être que nous connaissons, qui reste inachevé, mais l’être fusionné dans le Point Omega. Finalement, il arrive à justifier sa foi en l’homme qui dérive de sa foi au Monde, et non de la foi chrétienne.

La religion chrétienne conforme à sa foi



Selon Teilhard, sa foi dépasse son individualisme. Elle intègre un ensemble, le Tout. « La naissance de ma foi ne représente que l'élément infinitésimal d'un processus beaucoup plus vaste et beaucoup plus sûr, commun à tous les hommes. Et c'est ainsi que je me trouve conduit, par la logique même de ma croissance, à émerger au-dessus de mon individualisme, et à découvrir en face de moi l'expérience religieuse générale de l'Humanité, pour m'y mêler ». Il pénètre à ce moment dans la croyance religieuse. La religion chrétienne lui apparaît alors comme étant la religion de l’avenir, la plus propre à épouser sa conception de l’Univers et à contribuer au progrès.


Et le miracle ?

Juge-t-il uniquement sa foi à partir de sa propre expérience personnelle ? Teilhard évoque le miracle. Il le considère comme une vision très appauvrie et biaisée de l’apologétique chrétienne. 

Croit-il au miracle ? « Je n'ai personnellement aucune difficulté à accepter le miracle, pourvu que celui-ci n'aille pas (ceci est la thèse même de l'Église) contre les règles de plus en plus nombreuses et précises que nous découvrons à l'évolution naturelle du Monde ». Pouvons-nous parler de mensonge éhonté dans ses propos ?! Depuis quand l’Église juge-t-elle un miracle selon « les règles que nous découvrons à l’évolution naturelle du Monde » ?! Quelle imposture si contraire à la rigueur du scientifique et à l’honnêteté d’un homme épris de vérité ! Il n’adhère finalement au miracle que s’il confirme l’évolutionnisme ! 

Le seul motif principal de son adhésion au christianisme est sa conformité à son « credo individuel », selon des raisons uniquement naturelles. « La seule raison capable de me décider à adhérer à une religion ne peut être en définitive […] que l'harmonie d'ordre supérieur existant entre cette religion et le credo individuel auquel m'a conduit l'évolution naturelle de ma foi ». La religion doit rejoindre une foi intérieure. 


Sa conception de l’évolution de la foi soulève des questions : foi psychologique, foi au monde, foi en l’homme, foi chrétienne, sont-elles des fois différentes, résultats successifs d’une évolution ou des faces différentes d’une même foi ? Sont-elles un approfondissement de la foi psychologique ou une extension ? En clair, le cheminement de sa croyance a--t-il progressé par ajout ou par approfondissement ? Sa foi psychologique en l’évolution reste toutefois le principe de sa croyance. Elle demeure toujours sa véritable foi. Il n’y a pas d’évolution...



Convertir l’Église…

Teilhard nous décrit son expérience personnelle pour légitimer sa foi et finalement expliquer les raisons de son credo. Comprenons bien son discours. Il s’agit de fonder un principe de croyance. Il définit le fondement même d’une religion à laquelle doit adhérer la foi chrétienne. Cette religion ne s’appuie que sur des prétentions scientifiques et des intuitions, que vient confirmer l’opinion. Tout cela est purement naturel et fragile, et contestable. Enfin, son adhésion à la religion chrétienne dépend de son efficacité, c’est-à-dire de sa contribution au « progrès ». Nous retrouvons le principe fondamental du mysticisme de Teilhard : seule l’action a de la valeur… En conclusion, Teilhard ne présente pas un nouveau mode d’apologétique : il définit et justifie une foi dont doit dériver la foi chrétienne… 


De manière générale, l’apologétique apporte des motifs de crédibilité à une croyance. Elle tente de démontrer qu’elle est vraie, objectivement vraie et elle la défend face à ses adversaires en répondant à leurs attaques [3]. Dans le premier cas, nous sommes dans l’apologétique démonstrative qui vise à renforcer le croyant ou à amener l’incroyant à la conversion. Dans le cas d’apologétique chrétienne, elle consiste à rendre croyable la Révélation en s’adressant à l’intelligence. Elle montre par exemple la conformité de la Révélation avec la raison et les sciences.



Nous pouvons témoigner de notre conversion, des effets de la grâce et aussi de ce travail intérieur qui nous a permis de dire finalement « je crois ». Dans le témoignage de Teilhard, rien de tout cela. Aucune présence de Dieu. Aucun récit de conversion. Il semble avoir trouvé le meilleur produit correspondant à son credo.
Teilhard montre finalement que sa foi chrétienne est subordonnée à son credo, lui-même issu d'une foi qu'il reconnaît comme supérieure, une foi qui dérive de l’évolutionnisme. Naturellement, il veut accommoder l’enseignement de l’Église à son credo. La lumière de la foi n'éclaire pas sa démarche, encore moins sa raison. Nous sommes loin d’une apologétique chrétienne.


La Descente aux Enfers (Fra Angelico)



[1] Selon Bergson, il existe deux formes de connaissance, l’intelligence et l’intuition. Nous reprenons cette distinction compte tenu du rapprochement entre Teilhard et Bergson. 
[2] Nous retrouvons l’idée d’évolution selon Bergson : pas de finalité mais une tendance générale. 
[3] Voir Émeraude, novembre 2011.

lundi 8 juillet 2013

Le Big Bang, une belle histoire de l'Univers

En 1931, à partir de travaux scientifiques antérieures, Georges-Henri Lemaître (1884-1966), mathématicien belge et prêtre catholique, plus tard évêque et président de l’Académie pontificale des sciences, présente l’idée d’un Univers en expansion à partir d’un « atome primitif ». Sa thèse est aussitôt critiquée. Certains scientifiques prétendent qu’elle est « inspirée par le dogme chrétien de la Création, et injustifiée sur le plan de la physique »[1]. En 1949, l’astrophysicien Georges Gamow (1904-1968) la présente de nouveau et en définit une théorie, connue aujourd'hui sous le nom de « Big Bang ». A partir des années 60 et surtout dans les années 90, elle accumule des preuves de crédibilité au point qu’aujourd’hui, « le Big Bang est devenu la nouvelle représentation du monde. C’est la théorie qui rend le mieux compte de l’univers connu »[2]. Cette théorie n’est plus sérieusement remise en cause. Elle est devenue le modèle standard de la cosmologie. Serait-elle un fait acquis ? Certes, il existe des divergences mais ce ne seraient que « des différences d’opinions » qui concernent « des additifs à une structure bien établie, des embellissements à une charpente bien solide, plutôt que des questions mettant en cause son fondement » [2]. 

Aujourd’hui, cette théorie se diffuse et modèle les consciences, sous une forme de plus en plus vulgarisée. Peut-elle heurter notre foi ? S’oppose-t-elle à l’enseignement de l’Église ? Telle est la question que nous nous posons. Pour y répondre, nous allons d’abord présenter brièvement l’Histoire de l’Univers telle qu’elle est généralement racontée…


L’histoire commence par un repos apparent. Tout l’Univers est condensé dans un volume infime, la « singularité initiale » ou encore « l’atome primitif », « l’Univers primordial ». Il est infiniment petit, très chaud (1032°C) et très dense (1096 fois la densité de l’eau). Tout n’est que bouillonnement d’activités dans cette « soupe primordiale » brûlante. Cet « atome primitif » explose tout-à-coup. La raison nous en échappe encore. Notre histoire commence véritablement aux 10-43ème  secondes après l’« instant primordiale »[3], le temps 0 de la cosmologie. L’Univers grandit alors de manière fantastique, exponentielle, dans une « folle expansion inflationnaire ». En même temps, il se dilue et se refroidit considérablement. En se refroidissant, des structures de plus en plus complexes apparaissent par l’association de particules. Puis, à la fin de cette phase explosive, l’Univers devient plus sage. Son expansion prend un rythme normal. 


En quelque millionième de seconde, il atteint une température de 10 000 milliards de degrés. Il fait « suffisamment » froid pour que les briques de la matière (électrons, protons, neutrons) se forment. La lumière apparaît. Par leurs chocs, des éléments se créent, disparaissent et réapparaissent selon un cycle d’union et de destruction. Puis, en absence d’énergie suffisante, le cycle finit par cesser. Nous sommes déjà à la première seconde de l’Univers. L’Univers s’est refroidi pour atteindre 6 milliards de degrés. A la centième seconde, les premières briques finissent par former les éléments chimiques les plus légers de la nature (hydrogène, hélium) jusqu’à la troisième minute. 



L’Univers poursuit son expansion. La température ne cesse encore de baisser. Les éléments s’éloignent les uns des autres. Leurs rencontres, donc les possibilités de chocs et d’associations, sont plus rares. La fabrication d’éléments finit par s’arrêter. La lumière éprouve en outre des difficultés pour se frayer un chemin à travers une jungle de particules. Par leur mouvement incessant, les électrons en nombre considérable la dévient et la bousculent. L’Univers est opaque. 
Puis, à la 380 000 ème année, la température de l’Univers atteint les 3 000 degrés environ. Il fait aussi chaud qu’à la surface du Soleil. Un événement majeur de notre histoire se produit alors : la création des atomes. Par cette nouvelle association, les atomes capturent et emprisonnent les électrons. L’espace se vide enfin de ces éléments perturbateurs. La lumière est alors libre de se mouvoir sans difficulté. Elle peut désormais emplir librement tout l’espace dans toutes les directions. L’Univers est lumineux.

Un milliards d’années plus tard… L’Univers a ralenti son expansion. Il continue lentement à se diluer, à se refroidir, à se complexifier. Les premières étoiles apparaissent, puis les planètes. En s’assemblant, elles forment des galaxies. Aujourd’hui, après quatorze milliards d’années, l’Univers en contient des centaines de milliards.

Mais l’histoire ne s’arrête pas. « Dans une de ses galaxies, près d’une étoile nommée Soleil, sur une planète appelée Terre, des molécules s’assemblent en longues chaînes d’ADN qui vont mener à la vie et à une humanité capable de s’émerveiller sur la beauté du monde qui l’entoure et de se poser des questions sur l’Univers qui l’a engendrée » [2]...

Notre histoire ne se termine pas non plus avec l’homme. Toujours poussé par l’explosion primordiale, l’Univers poursuit son expansion. Y aura-t-il une fin ? Trois cas sont possibles : soit l’Univers se dilue éternellement, soit il va progressivement s’effondrer dans une sorte de Big Bang à l’envers, le « Big Crunch », soit il se stabilise vers un état stationnaire…

Telle est donc l’Histoire de l’Univers…




Références
[1] Bertrand LIAUDET, Cours d’histoire des sciences, Histoire de la représentation de l’Univers (3), EPITECH 1ère année, 2005-2006.
[2] Trin Xuan Thuan, Origine la nostalgie des commencements, chap. I, Gallimard, 2003. 
[3] On ne connaît pas en effet les lois physiques à une densité supérieure qu’avait l’Univers avant les 10-44 ème secondes

mercredi 3 juillet 2013

Le baptême des enfants, un argument apologétique en faveur du péché originel

En 410, Rome est prise. Les voies romaines se remplissent de fuyards. Des groupes de réfugiés quittent la Ville éternelle et atteignent des terres plus pacifiques. Des fugitifs débarquent en Afrique encore épargnée. Parmi ces rescapés, Pélage et ses disciples. Ils apportent avec eux les germes d’une crise violente qui va secouer l’unité chrétienne. Du pélagianisme [1], le christianisme sortira néanmoins renforcé et consolidé, la foi approfondie. L’hérésie s’attaque à un des points essentiels et difficiles de l’enseignement chrétien : le péché originel [2]. 

L’enseignement du péché originel est ancien. Ses racines remontent aux premières pages de la Genèse. La Sainte Écriture le révèle de manière progressive [3]. Sous la lumière du Saint Esprit et du fait de la Rédemption, Saint Paul nous éclaire sur ce mystère [4]. Les premiers Pères de l’Église enseignent aux catéchumènes et aux chrétiens les mêmes vérités tout en l’explicitant davantage. La solidarité des hommes en Adam est nettement affirmée. Tous ont péché en Adam, tel est l’enseignement de l’Église. 

Mais le christianisme ne réside pas uniquement dans la Sainte Bible ou dans les discours des chrétiens les plus éminents. Il réside aussi dans la pratique, notamment dans les sacrements. L’usage du baptême administré aux enfants avant leur naissance, appelé aussi pédobaptisme, est une autre preuve indiscutable de l’origine antique du dogme du péché originel. Cette pratique est courante avant le IVème siècle, avant même la naissance de Saint Augustin. 

La nécessité du baptême

Rappelons les effets du baptême. « Le baptême est le sacrement par lequel l’homme, au moyen de l’eau et de la parole de Dieu, renaît spirituellement et est admis dans le Royaume de Dieu » [5]. Les effets du baptême sont doubles : la régénération spirituelle et l’admission dans le Royaume de Dieu. Nous ne pouvons pas renaître spirituellement si nous ne sommes pas morts spirituellement. Il y a aussi rémission des péchés, de tous les péchés. Le baptême nous revête aussi du « vêtement de l’immortalité », expression courante de l’antiquité chrétienne pour le désigner. Né enfant de colère, le baptisé devient enfant adoptif de Dieu.

Par la faute d’Adam, l’homme naît tout en étant mort spirituellement. Il est incapable d’entrer dans le Royaume de Dieu. Le péché originel transmis par la génération naturelle depuis Adam le rend enfant rebelle. Il a besoin de vivre surnaturellement et de voir les portes du Paradis de nouveau ouvertes. Par le baptême, il renaît dans l’amitié de Dieu et peut désormais entrer dans le Royaume de Dieu…

Cette régénération spirituelle est ouverte à tous les hommes sans exception. Elle est à portée universelle. Si tous sont solidaires en Adam, tous peuvent être sauvés en étant solidaires dans le Christ, quels que soient leur âge, leur sexe, leur origine, leur statut social, etc. Personne n’est donc dépourvu de l’aptitude à recevoir le baptême. Le baptême est nécessaire à tous pour le salut. 

Le baptême des adultes

Chapelles des sacrements
Catacombes Rome
Au tout premier temps du christianisme, les hommes deviennent chrétiens essentiellement par le baptême des adultes. L’effort est donc tourné vers leur conversion. Le baptême requiert une préparation qui consiste en une conversion à la foi et une conversion de vie. Cette préparation a donné lieu au IIIème siècle à l’institution du catéchuménat en Orient et de l’auditorat en Occident. Notre liturgie en contient encore de nombreuses réminiscences.



Durant une période définie, entre six à huit semaines, le catéchumène reçoit d’abord une instruction d’ordre moral et de nature doctrinale puis effectue un acte de repentance. L’enseignement porte sur la Sainte Écriture puis sur la catéchèse dogmatique avec l’explication des articles de foi du Symbole. Le baptême nécessite donc une préparation sérieuse et grave. Les documents qui nous restent de cette institution nous révèlent l’enseignement de l’Église de cette époque. L’homélie de Pâques de Méliton de Sarde en est un exemple [6].




Le pédobaptême, usage établi au IIème siècle

Selon la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, « lorsqu'au IIe siècle apparaissent les premiers témoignages directs, aucun d'eux ne présente jamais le baptême des enfants comme une innovation » [7]. Le pédobaptême apparaît très rapidement comme une pratique courante. Le premier à nous signaler cet usage est Saint Irénée de Lyon [8]. Selon d’autres témoignages, cette pratique date du temps apostolique, comme l’atteste Origène : « l’Église a reçu des Apôtres la tradition de donner le baptême aux touts petits eux-mêmes » [9]. Dans son ordonnance ecclésiastique, « le plus ancien rituel », qui date du début du IIIème siècle, Saint Hippolyte de Rome donne l’instruction suivante : « les petits enfants doivent être baptisés avant [les adultes, le jour de Pâques]. Et s’ils peuvent parler, ils doivent parler ; s’ils ne peuvent pas encore, alors les parents ou l’un des proches doivent prendre la parole à leur place » [10]. La Congrégation pour la Doctrine de la Foi précise que de nombreux documents épigraphiques datant du IIème siècle décernent à de petits enfants le titre d'« enfants de Dieu », « réservé aux baptisés ou même mentionnent explicitement le fait de leur baptême » [11]. Dans son épître aux Corinthiens, Saint Paul parle d’enfants saints (I. Cor, 14). Dom Paul Delatte en déduit qu’ils devaient être baptisés et donc que l’usage de baptiser des enfants existait déjà


Manuscrit Ethiopien



Certes Tertullien semble le remettre en question mais il montre à la même occasion qu’il est bien établi. Au début du IIIème siècle, Saint Cyprien répond à un évêque qui s’interroge sur la nécessité de conférer le baptême dès les premiers jours de la naissance [12]. Il révèle par là une pratique très répandue. En 365, toujours en Afrique, Saint Optat de Milève confirme la nécessité de la grâce baptismale [13]. Deux conciles évoquent l’usage du baptême des enfants : le concile d’Elvire (305 ou 306, canons 1 et 22) et le IIIème concile de Carthage (397, canon 48). Ainsi, « au IVème siècle finissant, la pratique du pédobaptisme est courant et indiscuté dans tout l’Occident et plus particulièrement en Afrique » [14]. 

« En Orient comme en Occident, la pratique de baptiser les petits enfants est considérée comme une norme de tradition immémoriale » [15]. Or « quand, dans l’Église, une attitude est universelle dans le temps et dans l’espace sans tenir son instauration d’un concile, c’est qu’elle est d’origine apostolique et porte, par conséquent, la garantie divine » [16]. 

Les oppositions au baptême des enfants

Plusieurs raisons expliquent l’opposition au baptême des nouveau-nés. Tertullien demande par exemple que les enfants ne viennent au baptême qu’à l’âge de raison. « Qu’ils soient capables au moins de demander le salut, pour qu’on voit bien qu’il n’est donné qu’à ceux qui le demandent » [17]. En outre, comme il n’est pas possible de garantir l’avenir, l’enfant ne peut s’engager sérieusement. « Ils peuvent mourir sans pouvoir s’acquitter de leur engagement et, s’ils vivent, leur mauvais naturel peut tromper leur espérance » [18]. Tertullien se demande enfin la raison d’un tel empressement : « pourquoi cet âge innocent est-il si pressé de recevoir la rémission des péchés ? ». Tertullien ne remet pas en question la raison du baptême ou son utilité, mais plutôt souligne sa gravité et l’engagement qu’il suppose. Il porte son attention plutôt sur l’enfant que sur le baptême en lui-même. Il exhorte alors à retarder le baptême aux enfants en raison de l’instruction nécessaire qui doit le précéder. Pour d’autres raisons, Saint Grégoire de Nazianze conseille d’attendre l’aurore de la raison afin que l’enfant puisse garder quelques souvenirs du baptême. Il fixe l’âge à 3 ans [19]. 

Une autre tendance au IVème siècle : retarder le baptême…


Baptistère IVème siècle, Grenoble




L’usage de baptiser les nouveau-nés est donc courant au IVème siècle. Cependant, nous rencontrons de nombreux chrétiens, et pas les moindres, baptisés à l’âge adulte : Saint Basile, Saint Ambroise, Saint Jean Chrysostome, Saint Martin, etc. Saint Augustin n’a reçu à sa naissance qu’un rite aujourd’hui disparu, celui de la consignation [20]. Curieusement, la sœur de Saint Ambroise, Sainte Marcelline, est baptisée très tôt. Le cas de la famille de Saint Ambroise reflète probablement deux tendances en son temps. « On constate une pratique très largement répandue du baptême des enfants, composant d’ailleurs avec une tendance diamétralement opposée mais dont l’excès est blâmé et combattu au nom de préoccupations pastorales » [21]. 

Baptistère Duomo (Florence)
IVème siècle
Des chrétiens suivent l’usage du rite de consignation et réservent le baptême pour plus tard. Selon Saint Augustin, la crainte les éloigne du baptistère. Ils craignent en effet que les péchés commis après le baptême soient plus graves que ceux commis sans le baptême ou que le péché peut ternir le sceau laissé par le sacrement. Ils attendent aussi que le baptême enlève le plus de péchés possibles. Leur responsabilité est ainsi le plus longtemps reportée. « Mon nettoyage fut donc ajourné, comme si, de toute nécessité, j’avais dû, destiné à vivre, me salir encore, la salissure du péché devant, après ce bain, constituer une charge plus lourde et plus dangereuse » [22]. Saint Augustin nous rappelle la maxime du monde : « laissez-le faire ce qu’il veut, il n’est pas encore baptisé ». 

Il faut savoir aussi, qu’à l’époque, la pénitence qu’est imposée au pécheur est particulièrement dure. En outre, certains péchés ne sont pas tous remis. Ainsi le baptême est-il le plus longtemps reporté. « Certes, la pratique du baptême des enfants a connu une certaine régression an cours du IVe siècle. A cette époque, où les adultes eux-mêmes différaient leur initiation chrétienne, dans l'appréhension des fautes à venir et la crainte de la pénitence publique, bien des parents renvoyaient le baptême de leurs enfants pour les mêmes motifs » [23]. 

Une telle négligence est combattue. « On doit également constater que des Pères et des Docteurs […] réagirent ensuite avec vigueur contre une telle négligence, demandant instamment aux adultes de ne pas retarder le baptême nécessaire au salut, et plusieurs d'entre eux insistent pour qu'il soit conféré aux petits enfants » [24]. 

Conclusion

Le baptême des enfants est en usage dans l’Église depuis au moins le IIème siècle. Il a été reconnu comme une pratique d’origine apostolique. Certes il a connu des oppositions et l’usage en a été retardé non pour des raisons doctrinales liées au sacrement lui-même mais à cause même de son efficacité ou plutôt de son incompréhension. Si cette pratique a été très tôt appliquée, c’est en effet parce que les chrétiens croyaient aux effets de son sacrement donc à la mort spirituelle et au péché originel. Si l’Église l’a en effet appliqué à des enfants qui n’ont pas atteint l’âge de raison, donc incapables de commettre des péchés, cela signifie qu'elle confessait l’existence du péché originel. Le pédobaptême apporte donc un motif de crédibilité supplémentaire à la foi en ce dogme. C’est pourquoi les pélagiens se sont vivement attaqués à cette pratique qui contredisait concrètement leur doctrine. 

Le pédobaptême, appuyé par des témoignages, y compris épigraphiques, est un argument apologétique efficace contre tous ceux qui prétendent que le dogme du péché originel provienne d’un « développement de la foi » au cours de l’histoire chrétienne, notamment de Saint Augustin…





Références
[1] Émeraude, avril 203, articles « Le pélagianisme : histoire » et « Le pélagianisme : doctrine ». 
[2] Émeraude, mai 2013, article « Le péché originel face aux objections ». 
[3] Émeraude, mai 2013, article « Le péché originel dans la Sainte Écriture ». 
[4] Émeraude, article « Le péché originel chez Saint Paul ». 
[5] Précis de théologie dogmatique, II, Livre VI, 2ème section, Chapitre I. 
[6] Voir Émeraude, mai 2013, article « Méliton de Sardes : le péché originel au IIème siècle ». 
[7] Congrégation pour la doctrine de la Foi, Instruction Postoralis Actio sur le baptême des petits enfants, 4, 20 octobre 1980, vatican.va
[8] Voir Saint Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, II, 22, 4.
[9] Origène, Commentaire sur l’Épître aux Romains, V, 9. 
[10] Hippolyte de Rome, la Tradition apostolique.
[11] Voir Instruction Postoralis Actio sur le baptême des petits enfants, note 3, Corpus inscriptionum graecarum, 9727, 9817, 9801 ; E. Diehl, Inscriptiones latinae christianae veteres, Berlin 1961, nn. 1523 [3], 4429 A. 
[12] Saint Cyprien, De lapsis, 9, 25. 
[13] Saint Optat de Milève, De schismate donastistarum, V, 10. 
[14] J. C. Didier, Saint Augustin et le baptême
[15] Congrégation pour la doctrine de la Foi, Instruction Postoralis Actio
[16] Saint Augustin, De Baptismo, IV, XXIII, 30 – XXV, 32, cité dans Saint Augustin et le baptême
[17] Tertullien, Traité du Baptême, XVIII, 5. 
[18] Tertullien, Traité du Baptême, XVIII, 5. 
[19] Voir Saint Grégoire de Nazianze, Oratio XL in sanctum baptisma, 17 et 28. 
[20] Voir Saint Augustin, Confessions, I, livre de poche, trad. Louis de Mondadon, 1947. 
[21] J. C. Didier, Saint Augustin et le baptême
[22] Saint Augustin, Confessions
[23] Congrégation pour la doctrine de la Foi, Instruction Postoralis Actio
[24] Congrégation pour la doctrine de la Foi, Instruction Postoralis Actio
[25] Dom Paul Delatte, Les Épîtres de Saint Paul, replacées dans leur milieu historiques, 1ère Épître aux Corinthiens, VII, Tome I, librairie Saint Alphonse, 1928.

lundi 1 juillet 2013

Chrétiens, il est temps de se relever...

Il y a cinquante ans environ, on a cru que la Vérité pouvait combattre par elle-même le mensonge. On a alors voulu se réconcilier avec le Monde, rompant avec une histoire qu’on ne voulait plus assumer. Tout en rejetant le passé, on a décidé de ne plus rien censurer, de ne plus rien affirmer, de ne plus dénoncer. On lui a ouvert les portes de l’église, la conscience enivrée de ses audaces, plus sévère envers nos Pères qu'envers nos contemporains. Une page était tournée. L’Église devait être accueillante et chaleureuse. Sentant peut-être mai 68 s’approcher, on a voulu révolutionner le christianisme en détruisant tout ce qui pouvait s’opposer et énerver le monde. Teilhard n’est peut-être pas innocent dans ce mouvement désastreux…

Cette politique a conduit à un désastre. Qui peut encore en douter ? Nous payons aujourd’hui chèrement le prix d’une faute. Aujourd’hui en effet, qui se soucie des chrétiens lorsqu’à Paris et dans toute la France, ils dénoncent des lois cyniques ? Quelques centaines de contestataires et imbus de leurs privilèges ont plus de force qu’un millions de chrétiens et de sympathisants de morale chrétienne !

Il y a cinquante ans, on a décidé d’abandonner le champ de bataille aux adversaires de Dieu. Voyez notre cruelle absence dans le monde intellectuel, politique, culturel, médiatique. Aujourd’hui, les chrétiens ne font plus peur car ils n’existent pas. On a en outre détruit les moyens qui permettaient aux générations de transmettre ce qu’elle avait reçu. Au siècle dernier, les familles déléguaient une grande partie de leur rôle (éducation, catéchisme, formation intellectuelle) à des institutions et à des associations chrétiennes. Le jour où elles ont failli, ces familles ont été livrées à elles-mêmes. On a fait plus de ravage que les coups de nos adversaires. 

Avons-nous enfin compris que la société chrétienne n’existe plus et que les valeurs chrétiennes se dissipent progressivement ? Tel est le résultat inouï de cinquante années d’abandon…

Aujourd'hui, nous avons peut-être pris conscience de ces erreurs. Nous voyons en effet paraître de nombreux ouvrages et des initiatives pour les dénoncer et relancer le combat. L’esprit de culpabilité et de honte, si bien cultivés par nos adversaires, a-t-il enfin fini de hanter nos consciences ? Nous savons que Dieu sait tirer de nos faiblesses des forces insoupçonnables. L’Histoire en est une illustration. Encore faut-il Lui demander pardon à Dieu et reprendre les armes. 

Mais nous craignons que les rancœurs soient plus fortes que la raison et la foi, que la division demeure dans nos âmes, que l’ennemi continue de triompher à cause de nos dissensions. Il est temps de voir l’essentiel et de reconstruire ce qui  a été si rapidement détruit. Il est temps de ne plus penser à soi et de panser nos blessures pour d’autres combats. Qu’on cesse de frapper l’Église si déjà cruellement atteinte ! Des silences sont parfois nécessaires et plus heureux. Craignons d’être désormais les responsables de la tragédie que nous vivons...